Sunday, October 18, 2020

Compte-rendu de l'Opération "D" par le Capitaine Sassi

G.M.I.

R.R.L.

G.C. 200

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N°126/CR

Ex : n°3/3



COMPTE RENDU D’OPERATION

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OPERATION « D »

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I. - SITUATION GENERALE -


L’Opération « D » fut décidée par le Haut Commandement dans les derniers jours d’Avril, en raison de la situation critique créée à DIEN BIEN PHU par les assauts répétés des unités rebelles.



II. - MISSION -


Transporter le Groupement MALO fort de près de 800 armes

- dans un premier temps sur PA PET pour opérer la jonction avec les éléments de SERVAN et de RODEUR participant à l’opération.

- dans un deuxième temps, porter l’ensemble MALO-SERVAN-RODEUR à MUONG PEU, afin de créer une base de départ pour des actions spéciales de diversion, sur les arrières des divisions rebelles accrochées à DIEN BIEN PHU.



III. - MOYENS -


A- Effectif

Groupement MALO – 3 sous groupements :



I- Sous groupement « A » : sous les ordres du Lt MESNIER

G.C. 201 – Lt MESNIER – St MAGNET – 110 hommes,

PHOU DOU – St LASSERRE – 97 hommes,

Eclairage – St ORSINI – 20 hommes,

Total : 1 officier – 3 Européens – 227 hommes

1 SCR 694

1 SCR 300

1 Mortier de 60.


2- Sous groupement “B” : sous cdt Lt VANG PAO

Cdo N°4 – Lt VANG PAO – 100 hommes,

PA PONG – St SENARD – 97 hommes,

THALINOI – St GUELLEC – 94 hommes,

NAM MO – St PARIS – 37 hommes

Total : 1 officier – 3 Européens – 328 hommes

1 SCR 694

1 SCR 300


3- Sous groupement « C » : sous les ordres du ST MARCELLIN

NORD NAM KHAN – St MARCELLIN – 200 hommes

1 SCR 694

1 SCR 300

P.C. Groupement :

Capitaine SASSI Commandant l’Opération “D”

Adjudant DECKEUR

Sergent LEGUEUX

Sergent LEBLOND

1 interprète – 2 Cdos


Effectif total du Groupement,

1 Capitaine

2 Lieutenants

10 Sous officiers

755 Autochtones

+ 700 partisans des maquis « SERVAN et RODEUR ».



IV. - INTENTION -


Faire progresser successivement à 24 heures d’intervalle les 2 sous groupements « A » et « B ».


Dans un premier temps du P.C. de Khang Khay à BAN PITON en les appuyant sur le système de sécurité renforcé, implanté dans les maquis de Phou Dou et du Nord Nam Khan.


Dans un 2ème temps, éclairé par le sous groupement « C » et gardé dans toutes les directions par le système de sécurité demandé au maquis SERVAN, porter la totalité du groupement MALO à MG KHOUT, puis à PA PET, lieu de rassemblement MALO-SERVAN-RODEUR.


Ordre formel est donné à tout élément d’éviter l’accrochage jusqu’à PAPET.



V. - DEROULEMENT de L’OPERATION -


Le rassemblement des éléments MALO fixé à Khang Khay pour les sous groupements « A » et « B », et à Ban Piton pour « C », ordonné le 30 avril dans l’après-midi est terminé les 4 Mai au soir. A partir du 5 Mai, l’ordre de base de l’opération « D » est scrupuleusement appliqué et, le 10 Mai, les 3 sous groupements sont rassemblés à Ban Piton comme prévu.


L’avant-garde est à HOUEI KINE – le système de sécurité a parfaitement fonctionné ainsi que les liaisons radios avec la base arrière – toutes les demandes de parachutage ont été satisfaites à la lettre et en temps opportun. Le 10 Mai, l’Eclairage de MALO est en place à BAN NA POUNG et attend les premiers éléments de SERVAN.


Le 11 à l’aube, « C » part sur Ban Na Poung.


Le 11 Mai dans la matinée le groupement MALO reçoit l’ordre de stopper toute progression et de renter sans délai sur ses bases.


DIEN BIEN PHU était tombé le 7 au soir.


Le retour s’effectue à partir du 11 Mai sans incidents majeur jusqu’à Khang Khay, où « A » et « B » arrivent le 15 au matin.

L’éclatement du Groupement Opérationnel est chose faite le 16.



V. - ENSEIGNEMENT à TIRER -


Il me faut souligner la magnifique tenue de l’ensemble des partisans dont le moral et l’effectif sont restés intacts du départ à l’arrivée, grâce à la qualité de l’encadrement sous officier qui, tout au long de 10 jours de marche, se pencha avec compétence, doigté et autorité sur tous les problèmes nuisibles à la bonne exécution de la mission.


Le partisan peu habitué aux efforts soutenus, aux déplacements collectifs dans une région qui n’est pas la sienne est handicapé dans ce genre d’opération à longue échéance par le manque d’équipement adéquat. Pour parer à ce manque d’équipement, le partisan – qui a quand même des besoins en dehors de ses armes et unités de feux – se charge d’un attirail hétéroclite, primitif, difficile à arrimer judicieusement mais qu’il est bien obligé de répartir sur son dos, autour du cou et dans les deux mains.


Ces charges invraisemblables mais pourtant de première nécessité le déséquilibrent, le blessent et le fatiguent outre mesure aussi bien physiquement que moralement.


L’effort imposé n’a été obtenu que parce que la mission était de taille et de celles qui ne se refusent pas.


Mais si dans l’avenir, le Commandement voulait à nouveau obtenir du partisan qu’il sorte de son cadre, de ses coutumes, de sa région et de son mode de combat, il se doit de distribuer dès maintenant l’équipement minimum indispensable suivant : ceinturon, cartouchières, portes chargeurs, bretelles d’armes, musette, sac TAP, bidon, gamelle, chapeau, chaussures de brousse, toile de tente...


Sur le plan opérationnel, la progression d’une colonne de 800 partisans ne peut se faire que dans un dispositif largement éclairé, dans un couloir de sécurité existant ou créé progressivement, et son action ne peut être envisagée dans un pays inconnu, qu’à partir d’une ou plusieurs bases fixes, temporaires mais solidement gardées pour permettre le ravitaillement et le recueil de ses éléments de missions.


Le moral des partisans doit être tâté au jour le jour et entretenu par une distribution de moyens de toutes sortes, sans craindre un dépassement des normes, surtout en ce qui concerne la nourriture et les médicaments. Cela est aussi valable pour toutes les populations contactées.


Par ailleurs, la mission fut de trop courte durée pour qu’on puisse en tirer des enseignements de valeur rigide.


Quoi qu’il en soit, le couloir de sécurité ayant été créé indiscutablement de Khang Khay à Muong Peu, et le moral des partisans s’étant avéré solide, on peut affirmer que seule l’évolution de la situation n’a pas permis d’exploiter entièrement ces conditions dont dépendait la mission et qui laissaient prévoir une mise en place rapide des Groupements MALO-SERVAN-RODEUR à proximité immédiate de l’objectif.



S.P. 76.418 le 6 juin 1954

Le Capitaine SASSI Jean

Commandant le Groupement MALO


-signature Sassi-



Destinataires :

Colonel Cdt le GMI – n°1/3

CNE Cdt la RRL – n°2/3

CNE Cdt le GC200 – n°3/3.


Ci-dessous : croquis de la main du Colonel Sassi, représentant la manoeuvre lors de l'opération "D".























Publié par Philippe Raggi à mardi, février 24, 2009

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6 commentaires:


Les Harkis du Laos27/3/10 9:09 AM

excellent, merci. "2000 mèo" était donc un chiffre gonflé. :)


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Philippe Raggi27/3/10 11:30 AM

Non, pas "gonflés".

Il faut dans cette opération, je crois, entendre par "2000 Méos", le nombre des personnes participant directement et indirectement à l'opération D.

Celui-ci comprend non seulement les combattants sur le terrain lors de cette opération mais aussi ceux restés dans leurs villages respectifs pour les protéger (c'est l'arrière garde).

Ces "2000 Méos" représentant donc, je pense, le nombre de l'ensemble des personnels des maquis Hmongs dans la zone immédiate où le CNE Sassi opérait avec son GC200.

Il suffit de regarder le décompte dans le CR du CNE Sassi. Tout est dit, non ?


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Les Harkis du Laos28/3/10 6:39 AM

Justement, en faisant le calcul de l'effectif total du Groupement je tombais sur 1468. Comme je ne voyais pas mention des 150 rescapés de Dien Bien Phu je pensais que le Capitaine avait voulu faire impression aux yeux de l'opinion. Mais vous avez sans doute raison. Autre remarque, donnez-vous crédit au trafic d'opium par les GCMA dans l'Opération X impliquant le bureau du SDECE à Saigon et des éléments de la mafia corse implantée au Tonkin (in "Les Parrains Corses" de Jacques Follorou et Vincent Nouzille) ?


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Philippe Raggi30/4/10 8:54 AM

Il est vrai que le GCMA fut impliqué dans l'affaire de l'Opium des Méos (pour reprendre le titre d'un article du Colonel Trinquier, ancien chef des GCMA Indochine). Cependant, il faut tout de suite préciser que la chose était parfaitement légale; il existait en effet une régie de l'opium comme il existe une régie du tabac (Je me souviens que le Colonel Sassi m'avait montré, un jour, un reçu administratif, tamponné et signé, émanant de cette régie en question).

Cet opium une fois récolté, était acheminé par des avions (des Dakota) vers Saïgon ou Hanôï et alimentait les fumeries d'opium locales. Une partie de cet opium partait vers les industries pharmaceutiques françaises.

Les "Parrains Corses" furent peut-être impliqués dans ce trafic de l'opium, comme le furent bien évidemment les Hoa Hao qui tenaient, eux, la plupart des opiumeries indochinoises.

Le rôle du GCMA-Laos consistait à "protéger" le territoire et ces cultures traditionnelles Hmongs de l'appétit et de la main Viet-Minh lequel aurait fort apprécié l'annexion à leur profit de ces territoires et de ces cultures d'opiacés.

Certaines malversations ont eu lieu côté français ; elles ont été sanctionnées pour autant que je sache. Je sais par exemple qu’un officier Français du grade de Capitaine avait cherché à alimenter les caisses de son unité GCMA en prélevant une petite taxe sur ce commerce. Il fut très rapidement relevé de ses fonctions, et rejoignit la « régulière » dans une unité parachutiste d’ailleurs. Il a participé à la bataille de Dien Bien Phu.


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Anonyme12/8/10 9:19 PM

L'opium a été introduite au Laos par des colons français.L'opium repartais vers la France via le Vietnam. A cette époque là on ne parlait pas de frontières dans les colonies.

Signé : fils d'un ancien Hmong adjudant chef du GCMA


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Anonyme16/8/10 2:31 PM

Pour le tramsport des armes,on a chargé l'élico

de mon père à bloc.Je crois que l'élico n'a pas fait plus de 2kms,il est tomber comme une mouche,tuant un lieutenant ou un capitaine sur le coup.Mon père a été gravement blésser,il a reçu tous les armes sur lui. c'était un des moments chauds des combats de l'histoire.

Descendant d'un maquis hmong

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